Ils ont été ‘’graciés, avec remise totale de peines’’ par le chef de la junte malienne, le colonel Assimi Goïta après leur condamnation par la justice malienne, à 20 ans de prison.
Et ils ont regagné la Côte d’Ivoire, ce samedi, accueillis par le premier des Ivoiriens, le Président Alassane Ouattara qui les a rassurés qu’ils n’ont ‘’rien à se reprocher’’.
C’est la fin d’un long suspense qui aura mis les nerfs à fleur de peau, côté ivoirien et fait monter un sentiment de fierté nationale à Bamoko. Mais tout est bien qui finit bien, pourrait-on dire.
Cependant, des questions demeurent. Qu’a gagné la junte malienne dans cette crise ? Pourquoi Bamako a-t-il tant trainé les pas pour libérer les soldats ivoiriens considérés comme des ‘’mercenaires’’, contre toute logique ?
Puisque leur entrée sur le territoire malien, de même que la manière dont ils ont été appréhendés juraient avec le bon sens. De fait, ils ont été arrêtés en pleine journée à l’aéroport international Modibo Kéïta de Bamako, alors qu’ils se soumettaient au contrôle de la police des frontières.
C’est inédit ! Généralement, les mercenaires en mission de déstabilisation empruntent des chemins de traverse ou des ‘’couloirs sombres’’ de sorte à échapper au regard des curieux. Mais, ils ne débarquent pas dans les aéroports pour se pointer aux postes de contrôle !
Cela seul suffit à détruire la thèse des autorités maliennes visiblement engagées dans une entreprise de communication visant à détourner l’attention de leurs compatriotes des vrais problèmes auxquels ces derniers sont confrontés.
Notamment, les djihadistes qui ont sanctuarisé le nord du Mali et sont en passe de mettre d’autres parties du territoire en coupe réglée.
Sans parler des différentes pénuries que subissent les Maliens. Paradoxalement, le colonel Assimi Goïta et ses compagnons sont muets sur ces problématiques.
Ils préfèrent plutôt faire du populisme à peu de frais. C’est tout le sens de la méga médiatisation de l’arrestation des 49 puis 46 soldats ivoiriens devenus des ‘’boucs-émissaires’’ commodes de l’impuissance du tombeur d’IBK qui a reporté sur la Côte d’Ivoire et son président, Alassane Ouattara l’échec de la gestion quotidienne des affaires de l’Etat malien.
La judiciarisation de ce dossier est la preuve la plus évidente de ce constat. Il fallait faire durer le suspense en donnant le sentiment que l’affaire était suffisamment sérieuse pour être confiée à la justice. La lourdeur des peines infligées aux prétendus mercenaires a toutefois montré les limites de cette option.
Puisqu’on ne condamne pas à mort des prévenus qu’on a libérés quelques mois plus tôt, soi-disant pour raisons humanitaires, quasiment en mondovision. Ça ne fait pas sérieux.
Mais, cette mise en scène se comprend bien : il s’agissait de marquer les esprits afin de convaincre les crédules de la réalité des charges retenues contre les ‘’mercenaires’’.
Or, il était clair que ces derniers ne purgeraient pas les peines auxquelles ils ont été si généreusement condamnés (20 ans assortis d’une amende de 2 millions FCFA chacun pour les 46 soldats détenus et la peine de mort assortie d’une amende de 10 millions FCFA pour chacune des 3 soldates déjà libérées).
Pour la bonne et simple raison que l’on subodorait, peu ou pour, que l’affaire étant politique, le dernier mot reviendrait à Assimi Goïta.
C’étaient donc des condamnations destinées à faire monter les enchères, à placer la barre suffisamment haut pour amener les autorités ivoiriennes à reconsidérer le refus opposé à la demande de troc de leurs homologues maliens (échanger les soldats ivoiriens contre des opposants maliens en exil en Côte d’Ivoire).
Mais, il fallait beaucoup plus pour faire fléchir le gouvernement ivoirien qui n’a pas réagi à la condamnation des soldats détenus.
Au contraire, le président Alassane Ouattara a partagé, quelques heures plus tôt, son optimisme assurant que les soldats abusivement détenus rejoindraient bientôt leurs familles.
Il est vrai que Assimi Goïta ne les a pas graciés au moment où l’on s’y attendait (le 31 décembre 2022, à l’occasion de son adresse à ses compatriotes), mais l’espoir n’était pour autant pas perdu ; leur libération pouvant intervenir à tout moment.
Il aurait été peu gratifiant de déférer à l’ultimatum de la CEDEAO. Surtout lorsque l’on prend en compte l’ultimatum de l’organisation sous-régionale qui a donné jusqu’au 1er janvier 2023 pour que le Mali libère les soldats ivoiriens. Sous peine de nouvelles sanctions.
Cependant, il aurait été peu gratifiant pour le locataire du Palais de Koulouba de déférer à l’injonction de l’organisation sous-régionale en respectant le délai imparti.
Cela aurait ruiné le peu de crédit qui lui reste auprès de ses compatriotes que berce encore la vulgate populiste sur la souveraineté présumée du Mali dont il leur rebatte les oreilles à coups de meetings.
Il fallait donc laisser passer le délai fixé par la CEDEAO mais pas trop pour ne pas susciter le courroux de cette dernière. Le 06 janvier 2023 a donc été retenu pour la libération des soldats détenus.
L’honneur de Goïta et ses amis est sauf auprès de leurs partisans. Mais, en Côte d’Ivoire, il en va autrement, puisque l’on se demande pourquoi avoir attendu autant de temps pour les libérer.
Puisque rien n’a fondamentalement changé. Tout ça pour ça ? C’est le sentiment qui prédomine sur les bords de la lagune Ebrié où l’on n’a pas de mots assez durs pour railler le ‘’matamore Goïta’’ et, dans le même souffle, tresser des lauriers à Alassane Ouattara dont on loue la patience, la tempérance et le leadership.
Mais, on retiendra, pour l’essentiel, que cette affaire constitue un fâcheux précédent dans les relations ivoiro-maliennes naguère si fraternelles. Ainsi donc, l’avenir situera les uns et les autres sur les conséquences de cette crise dont on aurait pu faire l’économie si la sagesse avait habité l’homme fort de Bamako.
HS/ls/Top News Africa
Publié le dimanche 8 janvier 2023