En 1974, la République Fédérale d’Allemagne (appelée à l’époque, l’Allemagne de l’Ouest) abrite la coupe du monde de football. Le Zaïre (actuel RDC), champion d’Afrique en titre, le représentant du continent, débarque à ce banquet mondial du football. Avec 20 féticheurs, presqu’une sélection de football. Leur mission, à défaut de ramener le trophée mondial sur les terres africaines, avoir une participation honorable.
Malheureusement, le Zaïre est éliminé au premier tour, sans inscrire le moindre but et en encaissant quatorze, dont neuf devant la Yougoslavie en plus des défaites (0-2) et (0-3), face, respectivement, à l’Ecosse et le Brésil.
Les 20 mystiques envoyés à la compétition avec la bénédiction du président zaïrois de l’époque, Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga, n’ont pu rien faire. Et ils n’ont jamais expliqué cette déroute honteuse malgré leur présence étouffante dans l’encadrement des Léopards, l’équipe nationale de football du Zaïre.
Les exemples de ces ‘’préparateurs psychologiques’’ comme certains les identifient, foisonnent sur le continent. Comme lors d’un match à Bamako entre le Mali et la Côte d’Ivoire comptant pour les éliminatoires de la CAN 1988.
A en croire le récit du journaliste sportif ivoirien Ricardo Zama rapporté par un site ‘’un féticheur est installé à l’entrée du stade, là où la délégation ivoirienne doit passer : joueurs, dirigeants et journalistes, tout le monde doit absolument passer par là’’.
Sur le passage, ‘’il est installé avec une peau de bœuf sur laquelle sont attachés des gris-gris de toutes sortes, têtes d’oiseaux, de serpents… et il a une queue de cheval. Vous arrivez, vous marchez absolument dans ces gris-gris, c’est une obligation pour avoir accès au stade. On vous touche les tibias avec la queue de cheval et vous faites votre entrée au stade’’, souligne le journaliste sportif.
En dépit de cet ‘’arsenal’’, la Côte d’Ivoire sort victorieuse de ce duel ouest-africain (2-1) au grand dam du féticheur qui n’a pas pu expliquer, selon Ricardo Zama, ‘’ l'’échec de ses fétiches’’.
Ces deux exemples suffisent-ils pour dénier toute puissance aux gris-gris et autres Juju dans le milieu du football ? Non, assurent les partisans du fétichisme dans le football. A l’instar de Kouadio Kouassi Pascal, cadre de banques à la retraite.
Il raconte qu’en 1980, alors lycéen, son établissement, qualifié pour les finales nationales Oissu (Office ivoirien des sports scolaires et universitaires) à Gagnoa, devrait rencontrer le lycée moderne de Bouaflé qui planait sur le football scolaire avec des virtuoses du ballon comme Koffi Koffi Laurent, Assémian Aka Réné, qui seront plus tard des internationaux.
‘’Notre proviseur qui voulait le trophée, a fait venir un vieux féticheur de son village qui nous a préparés avec des mixtures avant de passer la nuit d’avant la finale face au lycée de Bouaflé dans un cimetière. Le matin du match, il a prédit le score, les auteurs des deux buts et le temps. Cela s’est réalisé et nous avions mis fin à la suprématie du lycée de Bouaflé en Oissu’’, relate-t-il, convaincu que l'apport du vieux féticheur a été déterminant dans le succès de son équipe.
En Côte d'Ivoire, pendant longtemps, la victoire des Éléphants à la CAN en 1992 au Sénégal avait été attribuée à la "science" des féticheurs du village d'Akradio dans la sous-préfecture de Dabou à une quarantaine de kilomètres à l’ouest d'Abidjan. Même le démenti formel du ministre des Sports d'alors, Réné Diaby, plus tard au cours d'une émission télé n'a pu changer d'avis les partisans du fétichisme. "Non, le mouchoir blanc avec la poudre noire n'avait rien de mystique mais c'était psychologique", avait-il rectifié.
Aussi longtemps sur le continent, le fétichisme et le football font bon ménage. Selon le Sociologue Traoré Moussa, "c'est une question de cultures. On y croit où on n'y croit pas. Sinon des pays comme le Bénin réputé pour son Vaudou aurait été champion d'Afrique autant de fois qu'il le voudra. Même chez nous ici, Akradio dont on vante les mérites dans ce domaine, pourquoi ne place-t-il pas l'équipe de Dabou en ligue 1 pour remporter tous les titres?'', questionne le sociologue.
HS/Top News Africa
Publié le jeudi 30 mai 2024